En cette année 1974, le Circuit de montagne d’Auvergne vit certainement sa plus belle saison sportive. Un alignement de planètes si favorable qu’avec le recul d’un demi-siècle on en oublierait qu’il s’agissait aussi d’un point de bascule vers un avenir incertain. La F1 était attendue pour l’année suivante. Hélas ! Après 1972, on ne devait plus jamais revoir le Grand Prix de France au pied du Puy de Dôme, pas plus que les motos de Grand Prix à partir de 1975.
En 1974, cinq rendez-vous majeurs confirment ce jugement.
- 20 & 21 avril: le « Continental Circus » se trouve une piste de prédilection. Sous le soleil printanier alors qu’il neigeait la semaine précédente, Charade et le MCA (Moto Club d’Auvergne) accueillent le gratin mondial de la moto pour son 10e Grand Prix de France comptant pour les championnats du monde. Ce sera le dernier. Après la course des side-cars, le 21 avril en fin d’après-midi, plus aucune moto ne participera à une course officielle sur le « grand Huit ». Avec les duels Giacomo Agostini (It)/Phil Read (GB), en 350 et 500 cm3, le public exulte. Le premier découvre le deux temps avec Yamaha. Le second le remplace sur MV Agusta 4 temps que son adversaire a pilotée pendant dix ans. Les Français brillent en Inter: Bourgeois, Chevallier, Pons, Rougerie, Tchernine aux avant-postes.
Avec une affluence dépassant les 100.000 spectateurs (resquilleurs compris!) et une ambiance festive défiant la sécurité, certains médias qualifieront Charade de « Woodstock auvergnat ». Du monde partout, sur les talus, dans les arbres, assis sur des bottes de paille protégeant des rails de sécurité, parfois les pieds sur la piste, des villages de toiles de tente bourgeonnent… Les records tombent aussi du côté des chronos. Le Roi Ago signe un 3’32’’4 en 500 (136,525 km/h). Effaçant ainsi le 3’36’’ de Mike Hailwood (GB) sur Honda 250 six cylindres de 1967 (134,250 km/h). Jamais une moto ne battra cette performance en compétition officielle sur la piste des volcans. C’est l’apothéose. Ago gagne en 350 et Read en 500: fantastique ! Autres vainqueurs: Henk Van Kessel (NL) sur 50 Kreidler; Kent Andersson (S) sur 125 Yamaha; Siegfried Schauzu (D) sur BMW en side-cars. Ce week-end fit oublier les désagréments de 1973 (Prix FIM 750) où régnaient la tension et les inquiétudes autour de la sécurité sur cette piste.
- 26 mai: depuis 15 ans l’ASACA (Association sportive de l’Automobile club d’Auvergne) organisait une course de côte automobile dont le parcours a évolué, entre Champeaux et la ligne droite des stands. En 1974, elle devient internationale/Championnat de France et permet à l’excellent « Montagnard » Pierre Maublanc de l’emporter sur sa March F2.
- 22 & 23 juin: Trophées d’Auvergne. Le championnat d’Europe des sport-prototypes 2 Litres revient pour la 2e fois après 1973. Des pilotes de renom et huit marques présentes pour la course reine du week-end. Des barquettes belles et très performantes sur le profil de Charade. Alpine Renault s’impose avec l’une des quatre A441 entre les mains de Gérard Larrousse (#3). Une trentaine d’engagés pour le Challenge européen de Formule Renault permet à Dany Snobeck d’imposer sa Martini MK14. Didier Pironi s’adjuge le record du tour sur le même modèle d’auto. La Coupe Renault ELF Gordini avec les R12 (1er, Gérard Delplanque) et la Coupe Simca Shell avec des protos 2 Litres à moteur Simca (victoire de Bernard Béguin sur GRAC MT20) complètent le superbe programme du week-end.
- 19 septembre: le Tour de France Automobile fait étape à Charade. Une occasion supplémentaire pour Gérard Larrousse de briller sur ce circuit. Devançant Bob Wolleck (Porsche 911) et l’autre Ligier aux mains de Bernard Darniche, il pilotait une Ligier JS2 à moteur Maserati avec laquelle il s’adjugeait la victoire finale du rallye.
- 21 & 22 septembre: sous l’intitulé « 24 Heures de Charade », les finales nationales du Simca Racing Team alignent des Rallye 1 ou 2 à travers six courses différentes (Stars, challenge féminin, filiales européennes, relais intervilles, Groupes 1 & 2). De belles bagarres et de l’ambiance sur une piste humide.
Cette saison 1974 conclut une période d’excellence qui aura duré 16 ans en présence des plus grands champions. Mais l’évolution de la sécurité sur les circuits et les fréquentes projections de gravillons commençaient à précipiter Charade vers sa métamorphose. Ou sa fin… L’ASACA et le MCA ont ainsi connu leurs heures de gloire. Mais aussi de doutes. La moto avait prouvé sa popularité. Cependant, les Tourisme de Production et les Formule Renault Europe assureront le spectacle auto encore quelques années pour le plus grand plaisir des fidèles de Charade.
Guy Lemaître/Agissons pour Charade